La présence du passé dans l’espace public n’est pas une nouveauté, mais elle gagne en force et en intensité, entrant en résonance avec l’inflexion historiographique et réflexive qui touche aujourd’hui la discipline historique. C’est à ces évolutions qui concernent à la fois l’histoire qui s’écrit et les usages de l’histoire qu’entend répondre, par la publication d’études de cas, cette nouvelle collection.
Notre temps présent n’a plus les certitudes d’hier. La perception du futur étant de plus en plus opaque, le rapport au passé s’en trouve modifié. Le lien qu’avait longtemps assuré le présent entre un passé inépuisable réservoir de leçons et un futur qui indiquait au présent lui-même sa direction vers un progrès toujours renouvelé s’est brisé, notamment sous l’impact conjoint de l’épuisement des eschatologies et des coups de butoir des mémoires demandeuses de reconnaissance et de réparations pour les « passés qui ne passent pas ». L’histoire est devenue champ de batailles, lieu d’intenses débats et controverses qu’il nous appartient de revisiter.
Comme y invitait Michel de Certeau, il s’agit avec cette collection de donner à lire l’échafaudage de l’historien et de s’interroger sur le discours qu’il tient sur la fabrique de l’histoire. L’historien a perdu son vieux privilège d’extra-territorialité temporelle et spatiale, il est désormais considéré comme irrémédiablement lié à un moment, à un lieu, à une institution. La prise en compte de cette inscription alimente de nouvelles manières de faire de l’histoire, qui ne relèvent pas de quelque complaisance des historiens vis-à-vis d’eux-mêmes mais de la prise de conscience que l’écriture historienne n’est pas un simple reflet passif du réel, fût-elle bien informée et documentée, mais qu’elle résulte d’une tension indépassable entre le souci de rendre compte de ce qui s’est passé et d’un questionnement qui émane, pour l’essentiel, du présent de l’historien.
Ce détour historiographique et réflexif a pour ambition d’exhumer la pluralité des écritures de l’histoire afin de mieux comprendre le prix payé par chacune des ruptures opérées pour que le discours historique conforte son autonomie et son régime de vérité singulier dans un contexte marqué par un régime de pluralisme théorique revendiqué.
Premiers titres à paraître en avril 2013
Philippe Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliance
À venir
Emmanuelle Sibeud, Empires et colonisations : une histoire à réinventer ?
Th ierry Paquot, De l’histoire des villes à la géohistoire de l’urbanisation
Emmanuel Fureix et François Jarrige, Faire l’histoire du XIXe siècle
Anne Grynberg, Historiographie de la Shoah
Michela Passini, Histoire de l’Art. Pour une historiographie critique